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Textes littéraires #1

Publié le 11 octobre 2021 Mis à jour le 20 octobre 2021
Date(s)

le 10 octobre 2021

Les textes littéraires présents dans les escales "Ancrage" ont été glanés par le collectif « Dire », un groupe d’étudiantes et d’étudiants du Master Lettres et Création littéraire et des jeunes chercheuses en littérature de l’Université Clermont Auvergne. Ils parlent d’exil en plusieurs langues et donnent voix au monde.

Texte N°1 

Min bêriya te kiriye bawerke min bêriya te kiriye

Bipirse ji rengê buharê

Bipirse ji gulên wê darê

Ev çend sal e ez girtî me

Zulm û zorî gelek dî me

Lê bi evîna te dijîme

Jîna bê te ne tu jîn e

Jîna bê te ez dijîme

Herku te di bîra xwe tînim

Hêz dide min û dijîme

Evîn nebe jîn şîn e

Jîna bê evîn qiymet nîne

Bipirse ji kevokên aşitiyê

Bipirse ji hevaltî û dostiyê

Bipirse ji dîwarên hepsê

Ewê ji te re bêjin rastiyê

Traduction

Tu m’as manqué, crois moi, tu m’as manqué

Demandez à la couleur du printemps

Demandez aux fleurs de cet arbre

Depuis plusieurs années, je suis emprisonné

La violence et l’oppression, je les ai beaucoup vécues

Mais je vis avec ton amour

La vie sans toi n'est pas une vie

La vie, je la vis sans toi

Partout où je me souviens de toi

Cela me donne du pouvoir et je vis

L’amour n’est pas la vie bleue

La vie sans amour ne vaut rien

Demandez aux colombes de la paix

Demandez à l’amitié

Demandez aux murs de la prison

Ils te diront la vérité

(Şivan Perwer, poète et chanteur kurde, « Min Bêriya Te Kiriye », Helebçe, 2013)
 

Texte N°2

« Chiar şi tăcută, mizeria poate deranja »

Nu mai era în ei nici viaţă nici moarte

Doar acest vid ciudat,

Nu mai era în ei nici prezent nici viitor

Nici semne nici gesturi

Doar punţile vieţilor lor

Mutilate.

Apa nu mai astâmpără setea lor

Pâinea nu le mai astâmpără foamea

Timpul este jugul, cel mai subţire fir

Care-i mai leagă de aşa zisa

Lume vie.
 

Traduction

« La misère même silencieuse peut déranger. » 

Il n’y avait en eux ni vie ni mort,

Seulement ce vide étrange.

Il n’y avait en eux ni présent, ni futur,

Ni signaux, ni gestes.

Que les passerelles de leurs vies

Mutilées.

L’eau ne creuse plus leur soif,

Le pain n’attise plus leur faim,

Le Temps est ce joug qui menotte

Le moindre lien

Avec le monde dit « des êtres vivants ».

(Angela Nache-Mamier, écrivaine franco‑roumaine, « Rătăciţi » [Les errants], Dolor [Douleur], Millau, Clapàs, 2007)
 

Texte N°3

Drepţi în noroi, în vânt

Voi visaţi, vânaţi fericirea

Copiii dorm în carcase de maşini

Beau apa Senei

Si tulburi de dimineaţa până seara

Rătăcesc pe trotuare

Cerşesc câteva centime

Intr-un pahar

Agasând trecătorii:

Pentru mâncare Domnule vă rog,

Vă rog Doamnă,

Inutilă căutarea cheii

Acestui paradis aparent

Lumea are inima de ciment

« Drepţi în noroi în vânt

Voi visaţi, vânaţi fericirea »

Oameni enervaţi coboară

Din furgoane

Strivesc aceste maidane pustii,

Cocioabele lor,

Si urlă

Nu sunteţi la locul vostru

Niciunde

Vă cer actele

Acoperindu-şi nasurile

Nava voastră,

Deznădejdea-

Si-a pierdut demult odgoanele

Chipurile sumbre

Corpurile obosite, înlănţuite

Si solidare

Adulmecă aerul greu

Ingrămădite

In celulele iadului-

Furgoanele de animale

Traduction

« Debout dans la boue, dans le vent

Vous rêvez à la chasse au bonheur »

Les enfants dorment dans des carcasses de voiture

Boivent l’eau de la Seine.

Et hagards du matin au soir,

Sur le macadam,

Mendient quelques centimes

Dans un gobelet,

Agaçant les passants :

Pour manger SVP « Moussiou »,

SVP « Madam ».

Inutile de chercher la clé

De ce paradis apparent.

Le monde a le cœur en béton.

« Debout dans la boue, dans le vent

Vous rêvez à la chasse au bonheur ».

Des hommes énervés descendent

Des fourgons,

Piétinent ces terrains vagues,

Les squats.

Ils hurlent :

« Vous n’avez pas la bonne place ici

Et nulle part ».

Ils vous demandent les papiers

En se bouchant le nez…

Votre navire, le désarroi,

Largue ses amarres…

Les visages assombris,

Les corps usés, enlacés,

Solidaires, hument,

Respirent, le peu d’air surchauffé

Dans les caissons de l’enfer

Des fourgons-bétaillères.

(Angela Nache-Mamier, écrivaine franco‑roumaine, « Out of Europe » [Hors de l’Europe], Dolor [Douleur], Millau, Clapàs, 2007)